POLYZOAIRES

POLYZOAIRES
POLYZOAIRES

Microscopiques, aquatiques, doués d’un grand pouvoir de bourgeonnement, les Polyzoaires, ou Bryozoaires, forment des colonies, ou zoarium , qui sont composées de nombreuses unités distinctes, ou zoécies, d’où l’appellation de Polyzoaires (Thompson, 1830). De telles colonies étalées, encroûtantes, dressées, rameuses ou foliacées prennent parfois l’aspect de mousse, ce qui explique leur nom de Bryozoaires (du grec bryon : mousse; C. G. Ehrenberg, 1931). On connaît des Polyzoaires fossiles qui datent de l’ère primaire (Silurien, notamment).

Organisation

Deux éléments concourent à l’unité physiologique de la zoécie: le cystide et le polypide (fig. 1).

Le cystide, primordial et fondamental, est un étui, une logette close. Sa paroi ectomésodermique entoure une cavité cœlomique. L’ectoderme, monostratifié et glandulaire, sécrète une cuticule, ou ectocyste, rigide, parfois épaissie et même renforcée par calcification. Sa face interne est revêtue de fibres musculaires pariétales circulaires et longitudinales, auxquelles fait suite la pariétopleure limitant la cavité cœlomique. La portion antérieure de la paroi cystidiale reste souple; elle peut s’invaginer à la façon d’un doigt de gant. À son sommet s’ouvre la bouche entourée d’une couronne de tentacules ciliés, contractiles: le lophophore. Lors de sa rétraction dans le cystide, elle entraîne avec elle les tentacules, auxquels, dans cette position, elle sert de gaine. Le repli circulaire, à la limite duquel la gaine et le lophophore s’invaginent dans le cystide ou en sortent, est le péristome, l’«orifice apical» du cystide.

Le polypide est suspendu dans la cavité cœlomique du cystide. Il est constitué des organes de la zoécie: le lophophore, l’anse digestive, le ganglion nerveux cérébroïde. Le cœlome se prolonge en chacun des tentacules. L’anse digestive comprend la cavité buccale ou pharynx, l’œsophage, la poche stomacale d’où remonte l’intestin, qui se termine par le rectum et l’anus. Ce dernier est situé derrière la bouche, mais en dehors du lophophore, d’où la dénomination d’Ectoproctes (Nitsche, 1829) donnée aux Polyzoaires.

L’épithélium de la paroi digestive est revêtu d’une splanchnopleure qui, à partir de la base de l’anse digestive, est reliée à la pariétopleure par un cordon mésodermique, le funicule.

Le système nerveux est constitué d’un ganglion cérébroïde appliqué à la paroi dorsale de la cavité buccale. Il appartient à un collier nerveux péripharyngien d’où s’irradient les nerfs des tentacules et les nerfs qui se rendent aux organes ou qui sont en relation avec le plexus pariétal. Les Polyzoaires sont très sensibles, mais on ne connaît pas leurs organes sensoriels.

La rétraction et l’expansion du polypide et de son lophophore impliquent un système musculaire remarquable. Deux puissants faisceaux de muscles rétracteurs, dont les longues fibres sont parfois striées, relient la base du lophophore au fond de la paroi du cystide et provoquent, par leur contraction, la rentrée rapide du polypide et de son lophophore dans le cystide. Des muscles radiaires dilatateurs aident la gaine à s’évaginer et la couronne des tentacules à se déployer. Des muscles pariétaux transversaux et longitudinaux exercent, par leurs contractions, une pression sur le liquide cœlomique et contribuent à propulser le polypide et son lophophore en dehors du cystide (fig. 1, en bas).

Il n’y a pas d’appareil circulatoire, les mouvements d’expansion et de rétraction du polypide assurant le brassage du liquide cœlomique. Il n’y a pas non plus d’appareil rénal: l’excrétion métabolique se fait par des reins d’accumulation au niveau de la paroi digestive. La mort du polypide s’ensuit. Dans certaines espèces, celui-ci se contracte en prenant l’aspect d’une masse informe, le «corps brun», qui se résorbe ou est expulsé, tandis que le cystide reconstitue aux dépens de sa paroi frontale un nouveau polypide.

Cette rénovation du polypide peut se répéter plusieurs fois afin de maintenir la zoécie fonctionnelle (Bryozoaires Gymnolèmes Chilostomes). La zoécie est hermaphrodite. Les œufs et les spermatozoïdes se différencient à partir des feuillets mésodermiques (pariétopleure ou funicule). Il n’y a pas d’organes génitaux. Parfois les gamètes sont expulsés au dehors par un tube de la région apicale, l’organe intertentaculaire (Alcyonidium ).

La zoécie dans son cystide présente une symétrie bilatérale. Le plan médiosagittal passe par la bouche, le ganglion cérébroïde, l’anus, et partage le lophophore et le cystide en deux moitiés symétriques. Les deux branches de l’anse digestive sont dans le plan sagittal. On peut donc distinguer conventionnellement dans un cystide une face ventrale, dite encore frontale ou orale, une face dorsale ou anale, deux faces latérales gauche et droite.

Reproduction

Reproduction asexuée

La croissance s’accompagne du bourgeonnement colonial; celui-ci se fait en deux phases. La première, ou bourgeonnement cystidien, consiste dans la délimitation d’un nouveau cystide qui apparaît le plus souvent à la façon d’une hernie de la paroi du cystide géniteur en un endroit toujours strictement localisé (fig. 1). Pendant que le jeune cystide croît, il édifie son propre polypide par prolifération très localisée de sa paroi frontale, constituant le bourgeon polypidien. En réalité, celui-ci n’est qu’un aspect de l’organogenèse du cystide, car le massif cellulaire, produit par l’ectoderme cystidial et revêtu de la pariétopleure, édifie tous les organes du polypide de la nouvelle zoécie.

La zoécies filles restent attachées les unes aux autres et constituent le zoarium . Quoique distinctes, elles sont en relation physiologique les unes avec les autres par les plaques en rosette de leurs parois. Il existe entre elles une certaine coordination nerveuse. Dans une même colonie, les zoécies sont souvent différenciées. Les différenciations les plus remarquables sont celles que montrent les gonozoécies, ou ovicelles, incubant les embryons, les autozoécies qui sont les gastérozoïdes, et les cœnozoécies qui sont les zoécies sans polype, réduites au cystide et qui servent de rameaux ou de stolons à la colonie.

Reproduction sexuée

Les Polyzoaires sont hermaphrodites et capables d’autofécondation. Ils sont ovipares. Mais dans beaucoup d’espèces, les œufs se développent dans la cavité cystidiale d’une zoécie transformée ainsi en gonozoécie (Bowerbankia ).

Chez les Gymnolèmes Cyclostomates, certaines zoécies de la colonie deviennent des gonozoécies ou ovicelles (fig. 2). Leur taille s’accroît, se dilate, alors que toute leur organisation polypidienne s’efface. Dans le mésenchyme général qui les remplit, un œuf fécondé se segmente, mais présente une poly-embryonie telle que de l’ovicelle naissent une centaine de larves.

Chez les Gymnolèmes Chilostomes (par exemple Bugula ), l’œuf fécondé est pondu dans une poche incubatrice, cystide très réduit, en forme de cloche, où se poursuit le développement jusqu’à l’état larvaire.

Une larve naît, ciliée, transparente, pélagique, planctonique. Dans sa constitution la plus complète, elle est un cyphonaute, larve trochosphérienne mais sans protonéphridie, comprimée entre deux valves chitineuses transparentes (fig. 3, en haut).

Cependant, les larves ciliées peuvent avoir d’autres aspects, être discoïdales ou bien globuleuses. Chez bon nombre d’entre elles, notamment les espèces vivipares, le tube digestif est réduit et même inexistant. Chez de nombreux Gymnolèmes, l’endoderme apparaît puis s’efface. Toutes les larves de Gymnolèmes présentent un organe apical, un organe sensoriel piriforme prébuccal et un sac interne (qui n’est pas sans rappeler celui de l’actinotroque de la Phoronis ). Dans ce cas, la larve se fixe sur ce sac interne évaginé pour y subir la métamorphose. Celle-ci consiste dans la régression de tous les organes larvaires. Il n’en subsiste qu’une vésicule ectodermique tapissée de son mésoderme, c’est-à-dire un petit cystide oozoïde, l’ancestrula , qui, par bourgeonnement polypidien, forme la première zoécie fondatrice de la colonie (fig. 3, en bas).

Classification

Phylactolèmes

Les Phylactolèmes vivent exclusivement en eau douce. Le lophophore est circulaire dans le genre le plus primitif: Fredericella . Dans tous les autres genres, il se développe vers l’arrière en deux lobes symétriques portant les deux rangées de tentacules à la façon du lophophore des Brachiopodes jeunes, ou du lophophore de la Phoronis . La bouche y est surmontée par une lèvre épistomiale. Les cellules pariétopleurales sont ciliées. Le bourgeonnement y est très intense. Dans la colonie, les cystides tubuleux sont parfois séparés (Fredericella ). Dans le genre Plumatella , ils communiquent les uns avec les autres. Dans les genres Lophopus et Cristatella , les cavités cœlomiques des cystides confluent en une seule cavité cœlomique coloniale dans laquelle sont suspendues les polypides. Ceux-ci sont remarquablement ordonnés chez la cristatelle où la colonie est libre et possède une sole de reptation qui lui permet de glisser sur son support.

Les Phylactolèmes vivent en abondance dans les ruisseaux, rivières et étangs: Fredericella , Plumatella , Pectinella , Lophopus , Cristatella .

Outre le bourgeonnement pariétal et colonial, les Phylactolèmes, au cours de leur croissance, forment dans leur funicule des statoblastes. Chacun consiste en un petit cystide, enveloppé d’une coque chitineuse constituée de deux valves. Au printemps, les deux valves du statoblaste s’entrouvent et le cystide éclôt après avoir formé, par bourgeonnement, son ou ses polypides selon qu’il donne naissance à une ou à deux zoécies fondatrices.

Gymnolèmes

Les Gymnolèmes sont presque tous marins: quelques formes vivent en eau saumâtre (Victorella ); un genre existe exclusivement en eau douce: Paludicella .

Le lophophore est toujours circulaire. Le cystide est primitivement tubuleux ou ovoïde et son péristome est apical. Souvent, le cystide prend l’aspect d’un coffret parallélépipédique (fig. 4). Dans ce cas, les cystides sont étroitement accolés les uns aux autres par leurs faces latérales et dorsale. Seule la face frontale est libre. Le péristome, dès lors, n’est plus apical. Il a glissé sur la face frontale. À son bord antérieur, un repli de la paroi frontale forme un clapet, ou opercule, qui se soulève pour laisser s’épanouir le lophophore et se rabat pour fermer le cystide lorsque le polypide se rétracte.

a ) Les Cyclostomates : les zoécies sont tubuleuses, le péristome circulaire est apical. L’ectocyste est fortement calcifié. Placées bout à bout dans des colonies, les zoécies sont articulées les unes aux autres (Crisia ). Chez d’autres espèces, la colonie buissonnante peut s’étaler en gâteau encroûtant ou encore en entonnoir: Lichenipora , Tubulipora (fig. 2).

b ) Les Cténostomates : les zoécies sont tubuleuses ou ovoïdes et le péristome apical. À son niveau existe une collerette sétigère. Lorsque le polypide se rétracte et que le lophophore et sa gaine sont rentrés dans le cystide, la collerette sétigère se rabat sur l’orifice péristomial clos. Chez les Alcyonidiidae , l’ectocyste est devenu épais et charnu (Alcyonidium gelatinosum et A. digitatum ). Les Paludicellidae d’eau douce sont des Cténostomates typiques.

Ce groupe renferme aussi les Stoloniférines dont les rameaux dressés ou les stolons rampants sont formés de cœnozoécies, ou cœnocystides, placées bout à bout. Ces cœnocystides, par bourgeonnement pariétal, engendrent les véritables zoécies ou autozoécies fonctionnelles: Farella , Bowerbankia ; les Terebripora s’incrustent dans la coquille vide des mollusques.

c ) Les Chilostomates , exclusivement marins, sont les plus nombreux et les plus diversifiés. Les cystides à paroi souvent calcifiée sont couramment en forme de coffrets parallélépipédiques, accolés les uns aux autres par leurs faces latérales. Si la colonie est encroûtante, elle forme un dallage, les cystides adhérant par leur face dorsale. Lorsque la colonie est rameuse ou foliacée, les cystides accolés latéralement s’adossent aussi en stratifications. La face frontale seule est donc libre.

Chez les Chilostomes, le péristome glisse sur la face frontale et est pourvu d’un opercule. On observe dans cet ordre un polymorphisme remarquable. Dans certaines espèces, des cystides sans polypides se réduisent à la région operculaire. L’opercule s’exagère et s’allonge en une tigelle articulée et mobile. C’est le vibraculaire. Ou bien le cystide très réduit est globuleux; l’opercule et le péristome seuls se développent en une pince prenant la forme d’un bec d’oiseau, formant l’aviculaire. Vibraculaire et aviculaire, tous deux mobiles sur leur base, sont utilisés pour écarter de la colonie les corps étrangers qui pourraient s’y déposer. La calcification de la paroi est plus ou moins étendue (fig. 5). Elle peut être limitée à la périphérie de la face orale qui reste membraneuse et porte le nom d’aire: c’est le cas des Chilostomes Anasca . La calcification peut s’étendre à toute la face frontale qui devient rigide. La musculature ne peut plus exercer de pression sur le liquide cœlomique et contribuer ainsi à propulser le polypide vers le péristome pour épanouir son lophophore à l’extérieur, mais, sous la face frontale calcifiée, se différencie un sac ectodermique ou asque, capable de se gonfler d’eau et dès lors d’exercer la pression propulsive sur le polypide et le forcer à s’évaginer: ce sont les Chilostomes Ascophora .

polyzoaires [pɔlizɔɛʀ] n. m. pl.
ÉTYM. 1892, Dict. des dict.; polyzoaire, adj., « qui ressemble à la fois à des animaux de classes différentes », Bescherelle, 1846; formation en -zoaires d'après le lat. sc. polyzoa, 1830, Thompson, du grec polu- « plusieurs, nombreux » (→ Poly-), et zôa, plur. de zôon « animal ».
Zool. Bryozoaires.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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